vendredi 20 février 2015

L’heure du biberon.



Je le prends contre moi pour lui donner le biberon. Il s'agite en ouvrant grand la bouche. L'appel du ventre est puissant. Il est blotti dans mes bras en confiance. Aujourd’hui, il sent le parfum de sa maman. Hier, c'était celui du papa. Il me regarde droit dans les yeux en tétant goulument. Je plonge les miens dans les siens et lui souris tendrement.
Sa main s'agite jusqu'à attraper la mienne. Les plus grands jouent autour. Je les surveille aussi. Impossible d'être yeux dans les yeux pendant tout le biberon.  Et est-ce mon rôle après tout ? Je n’en suis pas sûre. Rester connecté à lui tout le temps. Non, ce n’est pas mon rôle. Il y a les grands à surveiller aussi. Ces derniers viennent voir de temps en temps, puis repartent sur le tapis de jeux. Cependant quand tout est tranquille, je profite pour bien échangé avec chacun. Avoir des moments privilégiés, des câlins, des jeux, des sourires. C’est si important pour chaque enfant. Etre considéré par les adultes, et pas seulement par papa et maman.

Toutes les nounous ne sont pas mamans avant, mais beaucoup. Nous connaissons donc, pour la plupart, cette angoisse de « elle va prendre ma place ». Nous confions notre enfant à une inconnue - en général - pour retourner travailler. Des sentiments ambivalents nous traversent. La culpabilité. Un peu. Parfois. Beaucoup. Des fois. Pas du tout. Pour d’autres. Puis enfin, si, la culpabilité de ne pas en ressentir.
La peur face à cette femme (généralement peu d’homme dans ce métier) qui s’occupera de notre bébé. Elle le verra évoluer toute la journée. Lui donnera ses biberons. Le bercera pour le calmer. Pendant que nous nous courrons le soir entre le bain, le repas et le coucher sans avoir vraiment le temps de profiter.
En étant assistante maternelle, j’ai toujours en tête ces choses là. Je sais que cela peut-être difficile pour une maman… Je suis maman, également. Je comprends qu’il puisse y avoir des difficultés à se détacher, à faire confiance et à ne pas vouloir tout contrôler.


Les bruits de succions se mêlent au rire des plus grands. Le bébé lâche ma main. Je pose de nouveau mon regarde sur lui. Il me sourit derrière son biberon. Je lui rends un sourire. Il ferme les yeux parfois. Il regarde autour de lui à d’autre. Peu à peu, le biberon se vide. Une sérénité émane de ce petit être. Elle envahit la pièce et chaque individu si trouvant. Moi aussi bien que les autres enfants. L'apaisement de la soif étanchée et de la faim calmée est tangible. Je regarde ce bébé avec « amour ». Un amour maternel ? Non, bien sûr que non. Je suis une mère. Néanmoins je ne suis pas sa mère. Je le sais bien. Je le ressens bien. J’éprouve un « amour » d'assistante maternelle.
Un amour d’être humain sur un autre être humain plus petit, mignon et à protéger. Une bienveillance. Il est sous ma responsabilité. Ce bébé m'a été confié. Il a besoin de sécurité, physique et affective. Quand je m’en occupe, je pense à lui et aussi à toute sa famille. Ils me font tous confiance. Père. Mère. Frère. Sœur.
C'est mon métier. Je dois à la fois m'attacher et garder de la distance. Un pied dans la famille. Un pied en dehors. Une valse des sentiments et des limites. Chaque parent ne m’autorise pas à prendre la même place. Je me réinvente à chaque fois.
Oui, je me préoccupe des bébés et je m'attache à eux, comme un adulte qui doit prendre soin des futures générations. Je ne suis pas là pour prendre la place de la famille. Je suis là pour que papa et maman partent au travail en sachant qu'on se préoccupe de leur bébé. Je suis là pour qu’il se sente bien, pour respecter ses besoins physiologiques. Je lui dois le respect de son être entier. Le laisser grandir dans la bienveillance et en le laissant suivre, autant que possible, son propre rythme.

Le biberon terminé, je tapote dans son dos. Le rot ne tarde pas à sortir. Nous allons nous installer sur un tapis à coté des grands. J’aide ces derniers à faire des tours de cubes et à les casser sous de grands éclats de rire. Le bébé a attrapé un hochet et pousse des cris de joie.

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