Depuis le rendez-vous j’attends très
impatiemment avec une patience à toute épreuve le courrier du conseil
général. Je bondis sur MariChéri dès qu’il tient une pile d’enveloppes entre
ses mains.
« Non mais, là, c’est le courrier à
envoyer. Je dois les poster !
- Ah… Oups ! Pardon. Désolée » lui
dis-je avec mon plus beau sourire.
J’oscille entre le « oui ça
va aller. Elle m’a demandé d’organiser la garde de mes enfants pour la
rentrée » et le « Non ! Non ! Il y a rien eu de
bien », niant intégralement les bonnes choses de l’entretien. Parfois les
erreurs repassent en bouclent dans ma tête. Je m’angoisse. La dernière fois que
j’avais ressenti une anxiété pareille, c’était pour les résultats du
baccalauréat. Oui je dramatise un peu (beaucoup me hurle MariChéri dans l’oreillette)
en période stress. Un exemple ?... Hum… Crise de larme dans les bras de
MariChéri le soir quand les enfants sont endormis. Prononçant des phrases
inaudible entre deux sanglots : «
jvfrkouaaadmvi sigépmongréman!? ». Dans ma tête sans les pleurs ça
donne ceci : « Je vais faire quoi de ma vie, si je n’ai pas mon
agrément !!!! ». Tragédie grec home made.
Je sais pertinemment que je vais avancer, quoi qu’il arrive.
Mais j’ai ce besoin de pleurer, de m’apitoyer pour mieux rebondir. Une sorte de
conjuration de mauvais sort peut-être. Au bout de plus de dix ans, je ne sais
même pas si MariChéri y prête encore de l’attention. (Il me crie dans
l’oreillette qu’il ne le remarque même plus.)
Bien évidemment la lettre est
arrivée un jour où je n’y pensais plus.
Promenade avec les enfants dans
le bois.Il y a aussi une marre. Le début du printemps a fait sortir les canards
et les petits canetons. La journée est radieuse. Si bien que nous portons seulement
un gilet et une petite veste. Les enfants jettent du pain rassis aux palmipèdes.
Ils regardent attendrie les cannes et leur petits. Ils tentent d’en attraper un
ou deux, vainement. L’heure du repas approchant, je leur signale que nous nous
mettons sur le chemin du retour. Maya, ma dernière tout juste un an, marche
depuis un mois. Elle me tend les bras. Marcher arrivée près de la marre est une
chose, faire les un ou deux kilomètre jusqu’à la maison en est tout autre. Je
la fais voltiger sur mon dos et attache le porte-bébé. Ma grande de 7 ans,
Clara, a ramassé des fleurs, des brindilles et des cailloux. Le deuxième de 4
ans, Loric, l’a imité. Nous
marchons sous un soleil doux et éclatant.
« Maman on pourra faire des collages avec
ce que nous avons ramassé ? Me demandèrent-ils en arrivant à notre
portail.
- Bien sûr ! Mais après le repas. Pendant
la sieste de Maya. »
Nous discutons tous ensemble avec
bonne humeur. Maya, qui avait posé sa tête entre mes deux omoplates à l’entrée
de notre rue, se met à caresser les petits cheveux de ma nuque tout en tétant
ses doigts de l’autre main. Le sommeil est proche. J’attrape la pile de
courrier dans la boite tout en riant avec Clara.
« Maman… Je crois que… »
Elle a reconnu l’entête du
conseil régional. Je me fige et regarde la grande enveloppe marron comme si
elle allait exploser.
« Rentrons, leur dis-je.
- Tu ne l’ouvres pas maman ?!
- Je ne voudrais pas gâcher notre journée.
J’attendrais ce soir.
- Pfff maman, comme si la réponse pouvait être
non ! » S’exclame-t-elle en levant les yeux au ciel.
Soudainement Maya devient plus
lourde. Elle s’est endormie. J’entends toujours le bruit de la succion de ses
doigts qui s’intensifie. Je palpe l’enveloppe. Elle est épaisse. Il y a
plusieurs feuilles dedans.
« Rentrons. Je l’ouvre une fois à la maison. »
Clara me sourit, ravie. Elle est
impatiente de savoir. J’ai peur qu’elle soit déçue si la réponse est négative.
Loric a déjà couru jusqu’à la porte d’entrée. Nous remontons l’allée. Le bruit
de succion dans mon dos s’arrête. Le bras de Maya ne tarde pas à tomber en
frôlant mon dos. Elle est totalement dans le pays des songes. J’ouvre la porte
d’entrée. Les grands jettent leurs chaussures contre le meuble et leur manteau
au pied de la patère.
« On
accroche les manteaux et on range les chaussures » dis-je d’une voix
absente.
Je déchire l’enveloppe. J’en sors
mon agrément et tout un tas de papier explicatifs. Je suis officiellement
assistante maternelle ! Il ne reste plus que la formation à passer et je
pourrais travailler. Je me tourne vers Clara et Loric. Clara comprend
immédiatement l’expression de mon visage pendant que Loric, impassible, joue
avec deux cailloux. Mon ainée commence a explosé de joie avec moi. Nous
sautillons toutes les deux en poussant des petits ricanements. J’avais
complètement oublié Maya dormant dans mon dos. J’indique à Clara de se calmer
en même temps que moi. Mais, imperturbable, la petite a juste resserré son
étreinte contre mon dos sans se réveiller. Un petit ronflement émerge même de
mon dos. Clara et moi rions en silence.
« Bah quoi ? Demande Loric.
- Ca y est maman est assistante maternelle, lui
déclare Clara.
- Ah ok…, nous regarde-t-il indifférent. Euh… On mange quoi maman ? »
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