Je le prends contre moi
pour lui donner le biberon. Il s'agite en ouvrant grand la bouche. L'appel du
ventre est puissant. Il est blotti dans mes bras en confiance. Aujourd’hui, il
sent le parfum de sa maman. Hier, c'était celui du papa. Il me regarde droit
dans les yeux en tétant goulument. Je plonge les miens dans les siens et lui
souris tendrement.
Sa main s'agite jusqu'à
attraper la mienne. Les plus grands jouent autour. Je les surveille aussi.
Impossible d'être yeux dans les yeux pendant tout le biberon. Et
est-ce mon rôle après tout ? Je n’en suis pas sûre. Rester connecté à lui
tout le temps. Non, ce n’est pas mon rôle. Il y a les grands à surveiller
aussi. Ces derniers viennent voir de temps en temps, puis repartent sur le
tapis de jeux. Cependant quand tout est tranquille, je profite pour bien
échangé avec chacun. Avoir des moments privilégiés, des câlins, des jeux, des
sourires. C’est si important pour chaque enfant. Etre considéré par les
adultes, et pas seulement par papa et maman.
Toutes les nounous ne sont
pas mamans avant, mais beaucoup. Nous connaissons donc, pour la plupart, cette
angoisse de « elle va prendre ma place ». Nous confions notre enfant
à une inconnue - en général - pour retourner travailler. Des sentiments
ambivalents nous traversent. La culpabilité. Un peu. Parfois. Beaucoup. Des
fois. Pas du tout. Pour d’autres. Puis enfin, si, la culpabilité de ne pas en
ressentir.
La peur face à cette femme
(généralement peu d’homme dans ce métier) qui s’occupera de notre bébé. Elle le
verra évoluer toute la journée. Lui donnera ses biberons. Le bercera pour le
calmer. Pendant que nous nous courrons le soir entre le bain, le repas et le
coucher sans avoir vraiment le temps de profiter.
En étant assistante
maternelle, j’ai toujours en tête ces choses là. Je sais que cela peut-être difficile pour une maman… Je suis maman,
également. Je comprends qu’il puisse y avoir des difficultés à se détacher, à
faire confiance et à ne pas vouloir tout contrôler.
Les bruits de succions se
mêlent au rire des plus grands. Le bébé lâche ma main. Je pose de nouveau mon
regarde sur lui. Il me sourit derrière son biberon. Je lui rends un sourire. Il
ferme les yeux parfois. Il regarde autour de lui à d’autre. Peu à peu, le
biberon se vide. Une sérénité émane de ce petit être. Elle envahit la pièce et
chaque individu si trouvant. Moi aussi bien que les autres enfants.
L'apaisement de la soif étanchée et de la faim calmée est tangible. Je regarde
ce bébé avec « amour ». Un amour maternel ? Non, bien sûr que non. Je
suis une mère. Néanmoins je ne suis pas sa mère. Je le sais bien. Je le ressens
bien. J’éprouve un « amour » d'assistante maternelle.
Un amour d’être humain sur
un autre être humain plus petit, mignon et à protéger. Une bienveillance. Il
est sous ma responsabilité. Ce bébé m'a été confié. Il a besoin de sécurité,
physique et affective. Quand je m’en occupe, je pense à lui et aussi à
toute sa famille. Ils me font tous confiance. Père. Mère. Frère. Sœur.
C'est mon métier. Je dois
à la fois m'attacher et garder de la distance. Un pied dans la famille. Un pied
en dehors. Une valse des sentiments et des limites. Chaque parent ne m’autorise
pas à prendre la même place. Je me réinvente à chaque fois.
Oui, je me préoccupe des
bébés et je m'attache à eux, comme un adulte qui doit prendre soin des futures
générations. Je ne suis pas là pour prendre la place de la famille. Je suis là
pour que papa et maman partent au travail en sachant qu'on se préoccupe de leur
bébé. Je suis là pour qu’il se sente bien, pour respecter ses besoins
physiologiques. Je lui dois le respect de son être entier. Le laisser grandir
dans la bienveillance et en le laissant suivre, autant que possible, son propre
rythme.
Le biberon terminé, je
tapote dans son dos. Le rot ne tarde pas à sortir. Nous allons nous installer
sur un tapis à coté des grands. J’aide ces derniers à faire des tours
de cubes et à les casser sous de grands éclats de rire. Le bébé a
attrapé un hochet et pousse des cris de joie.
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